Les marques ombrelles sont-elles en péril ? Développée depuis plusieurs années pour capitaliser la notoriété d’une marque et couvrir au sein d’une même gamme médicaments, dispositifs médicaux, cosmétiques et compléments alimentaires, cette technique était déjà dans le viseur des autorités sanitaires et officinales. Ces dernières craignent en effet le risque de confusion et d’erreurs médicamenteuses pour les patients. Elles alertaient avant l’été quant aux risques en matière de santé publique. La fronde croissante contre les marques ombrelles est une stratégie concertée économique et éthique portée par la profession officinale qui accuse les laboratoires d’entretenir le flou entre les médicaments et les autres segments de la pharmacie. Les syndicats craignent les dérives et tant le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens que la revue Prescrire ont dénoncé par le passé leurs craintes de confusions, de surdoses et d’insuffisance d’information pour le consommateur. Les pharmaciens d’officine y voient surtout la banalisation du médicament.
Durcissement des critères
L’ANSM a donc engagé le 26 septembre dernier un projet de recommandations sur les noms de médicaments destiné aux titulaires d’AMM au travers duquel elle souhaite notamment un encadrement plus strict des marques ombrelles. Celles ne concernant que des médicaments sont envisagées « sous certaines conditions » tandis qu’une « proposition de nom de médicament reprenant tout ou partie du nom d’un autre produit existant ou ayant existé sera refusée ». L’instance propose, entre autre, que le nom de fantaisie ne soit constitué que d’un seul mot, qu’il soit différent de tout autre médicament autorisé et distinct pour les médicaments soumis à PMO (prescription médicale obligatoire) et PMF (Prescription médicale facultative). La mention de l’arôme ne doit quant à elle être admise que « de manière exceptionnelle en vue d’une meilleure observance du traitement ». L’ANSM demande également aux industriels de ne plus utiliser les superlatifs et autres mentions telles que « fort, faible, plus, ultra, hyper, stop ou contrôle qui « peuvent véhiculer un message promotionnel relatif à l’utilisation d’un médicament » et leur demande de proscrire tout anglicisme. Ces règles seront appliquées à toute nouvelle spécialité dotées d’une AMM et non rétroactives.
Une croisade injustifiée
Certains dirigeants en charge de la division Santé grand public de plusieurs laboratoires ont réagi et rassuré en rappelant le rôle de conseil santé que joue le pharmacien. Qu’il soit prescrit ou en accès libre, le médicament vendu en pharmacie reste un médicament soumis à une législation encadrée. N’oublions pas qu’en France la délivrance respecte un circuit de santé précis et un circuit de distribution exclusivement officinal. Rappelons d’autre part que les médicaments sont consommés par nécessité. Rares sont ceux, qu’ils soient prescrits ou vendus comme produits conseils en officine, qui sont achetés pour leur gout ou parce que leurs effets ou mérites auront été vantés par un spot TV… sachant que les arômes remplissent néanmoins, et ne l’oublions pas, une fonction essentielle pour la bonne prise du traitement, tout particulièrement en pédiatrie !
Certains laboratoires avaient déjà fait le choix d’une marque ombrelle mono statut pour pallier à tout risque de confusion et expliquent qu’une marque ombrelle reste un gage de qualité pour le patient. Beaucoup pensent d’ailleurs à indiquer de manière plus lisible sur le packaging le nom des molécules actives et fournir une illustration des indications précisant la localisation de l’action. L’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA) s’y oppose elle aussi en expliquant que les marques ombrelles sont le seul moyen pour développer le marché du selfcare, en hausse de 6,4% en 2015, et positionné pour le client comme la garantie d’une identification facile et rapide au prix le plus bas. Elle rappelle aussi que sur les 15 667 médicaments d’automédication en vente libre, moins de 1% des références sont aromatisées.
Reste à responsabiliser et autonomiser les patients, dont la majorité entretient aujourd’hui des relations de confiance et de proximité avec son pharmacien.