Il y a un an, l’Ordre national des pharmaciens lançait une grande consultation à destination des professionnels du secteur. Objectif : faire évoluer la législation encadrant la communication et la publicité à l’officine. Fédérations et syndicats se sont exprimés soulignant la nécessité d’adaptation sans tomber dans une libéralisation accrue. Débat et enjeux à quelques jours de la synthèse.
Comment valoriser le secteur officinal, mieux faire connaître aux patients ses produits et services (entretiens pharmaceutiques par exemple) et rester concurrentiel sans bafouer l’intérêt général de protection de santé publique ? C’est là tout le dilemme auquel est aujourd’hui confrontée la pharmacie. Menacée par le secteur de la grande distribution et soucieuse de mieux prendre en compte les évolutions technologiques pour satisfaire ses clients, l’officine est néanmoins contrainte par une législation stricte.
Un cadre restrictif
La publicité est définie comme « toute forme de communication commerciale pratiquée par les médias » selon la Chambre de Commerce internationale et « destinée à promouvoir un produit ou à influencer le comportement des consommateurs », rappelle le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Entre information (campagne de communication par exemple) et promotion, il n’y a qu’un pas. La frontière entre publicité et sollicitation de clientèle (consistant par exemple à proposer une carte de fidélité) est elle aussi mince et facilement franchissable ! Si un professionnel de santé peut disposer d’un site internet, y mettre en avant des informations sur son profil personnel, des soins prodigués ou des spécialités dont on se recommande est considéré comme de la publicité et condamnable. Dans un arrêt en date du 12 juin 1998, le Conseil d’Etat a consacré un principe fondamental en la matière : la publicité des officines n’est ni totalement interdite, ni totalement libre, mais encadrée. Le Code de la santé publique en a précisé les règles dans l’article R 4235-30 : « toute information ou publicité, lorsqu’elle est autorisée, doit être véridique, loyale et formulée avec tact et mesure ». Annonces ou communiqués de presse peuvent ainsi être rédigés par un pharmacien à l’occasion d’une création, d’un transfert ou de changement de titulaire d’une officine. Nom, adresse et horaires d’ouverture de l’officine peuvent également figurer au sein d’un site internet. Mais attention à tout ce qui induirait le consommateur à l’achat d’un produit ou à une allégation. Cette réglementation est fondée sur des objectifs de protection de santé publique et souhaite éviter qu’une concurrence accrue entre officines n’affecte l’équilibre dans leur répartition sur le territoire.
Evoluer pour s’adapter aux nouvelles technologies
Mais la donne a changé. Au sein d’un contexte économique fragile, 1 pharmacie en France ferme tous les 2 jours. La pression de nouveaux acteurs se fait sentir et grande distribution et commerce électronique empiètent sur les platebandes de l’officine menaçant de séduire des consommateurs mieux informés sur leur santé et adeptes des nouvelles technologies de l’information et de la communication. La seule marge sur les produits standardisés et les médicaments ne peut plus suffire à assurer la croissance officinale. Conscientes de leurs atouts : un acteur de santé de premier plan et de proximité à l’écoute de ses patients, les pharmacies savent néanmoins qu’elles n’ont pas le choix et doivent faire évoluer leur communication santé. Pour rester compétitives et s’adapter à une offre de soins tournée vers les 4 P et plus personnalisée, prédictive, préventive et participative, ses outils doivent s’adapter et se faire plus proches des besoins des usagers de santé. Vendre à l’avenir des objets connectés ou valoriser de nouveaux services sont autant de sujets d’avenir et de questions à débattre. L’intérêt des pharmaciens à communiquer est une nécessité et un enjeu prometteur.
Comment libéraliser les règles sans faire de tort aux plus petites officines ? Comment ouvrir le cadre restrictif sans pour autant risquer de casser le monopole ? Le Conseil national de l’Ordre entend s’attaquer à ce vaste chantier et a invité l’ensemble de la profession à y participer via un questionnaire en ligne et une plateforme internet. Titulaires, syndicats, groupements, étudiants et patients font entendre leur position sur la question depuis plusieurs mois. Entre souhait de prudence et nécessaire réforme, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a ainsi estimé qu’il n’était pas pertinent de libéraliser ce cadre dans l’intérêt financier des officines. Il préconise néanmoins de l’adapter aux nouveaux moyens de communication et d’assouplir les règles relatives à la fidélisation de la clientèle. Le pharmacien pourrait être autorisé à alerter son patient sur un vaccin à faire via son Smartphone ou du renouvellement d’une ordonnance à renouveler par voie électronique.
En retard sur le sujet, les officines françaises savent néanmoins qu’elles n’ont plus le choix. Au delà de l’information aux patients et de l’argument commercial, force de vente, communiquer n’est pas seulement une opportunité offerte, c’est un parti pris à prendre pour accompagner l’essor des nouvelles technologies et l’évolution de son temps. Adapter la législation pour mieux assurer ses nouvelles missions n’est peut-être finalement qu’une question de mois…Réponse à venir cet été !