Le passage d’un médicament du statut de prescription à celui de vente libre en pharmacie est un choix stratégique majeur pour un laboratoire pharmaceutique, une décision qui ne se prend pas à la légère car il comporte des enjeux économiques, réglementaires et sociétaux. Plusieurs raisons peuvent pousser un laboratoire pharmaceutique à envisager ce changement de statut, déremboursement d’un médicament, marché de la prescription trop concurrentiel, visite médicale de plus en plus difficile ou tout simplement changement de comportement du patient, chacun reflétant des problématiques différentes dans l’industrie de la santé.

De plus l’automédication est grandissante en France. En 20 ans, la proportion de Français ayant recours aux médicaments sans ordonnance est passée de 58 % à 88 %, un chiffre révélateur d’une évolution sociétale et de changement de comportement avec un accès à l’information plus direct grâce au digital. Combinés à une surcharge du système de santé et à des délais d’attente pour consulter un médecin, de plus en plus de Français préfèrent se tourner vers la pharmacie pour soigner leurs affections du quotidien. Cette tendance est encouragée par les laboratoires pharmaceutiques qui, face au déremboursement de certains produits de santé, militent pour un accès plus large aux médicaments en vente libre. Mais quels médicaments sont concernés ? Pourquoi un médicament passe-t-il de la prescription à la vente libre, et quels sont les enjeux de cette transition ?

Prescription, vente libre derrière le comptoir, vente libre en accès direct : trois statuts différents pour les médicaments

En France, la réglementation en matière de médicaments distingue trois grands statuts :

  • Prescription (Rx) : Ces médicaments nécessitent une ordonnance médicale. Ils concernent souvent des affections plus graves ou nécessitant un suivi pour éviter les effets secondaires et interactions potentiellement dangereux.
  • Vente Libre Derrière le Comptoir (BTC) : Ces médicaments, bien que sans ordonnance, sont uniquement disponibles sur demande auprès du pharmacien. Cette catégorie permet d’encadrer l’accès à certains traitements plus sensibles, tout en offrant des conseils adaptés.
  • Vente Libre (OTC) : Ces médicaments sont disponibles en libre accès, pour des affections légères et facilement auto-diagnostiquables, comme les maux de tête, les allergies saisonnières, les maux de gorge, le produits de santé féminine, etc….

Ce passage de prescription à OTC n’est pas automatique et nécessite une démarche stricte auprès des autorités de santé (ANSM). Il est destiné aux produits dont le profil de sécurité est jugé suffisamment favorable pour être utilisés sans supervision médicale.

Les avantages de la transition vers la vente libre pour tous les acteurs

La transition d’un médicament du statut de prescription à celui de vente libre comporte de nombreux avantages, à la fois pour les patients, le système de santé et les laboratoires.

  • Pour les patients : La vente libre offre un accès immédiat aux médicaments pour des maux bénins, sans nécessité de consulter un médecin. Elle favorise l’autonomie des patients, qui peuvent gérer des affections mineures au quotidien. Cette flexibilité est d’autant plus précieuse que les Français peinent à obtenir des rendez-vous médicaux rapidement.
  • Pour le système de santé : Avec des patients en mesure de s’automédiquer pour des problèmes mineurs, les professionnels de santé peuvent se concentrer sur des cas plus graves. Cela permet de désengorger les cabinets médicaux et les services d’urgence. Par ailleurs, en incitant les patients à acheter certains médicaments OTC, la Sécurité sociale réduit également ses dépenses de remboursement, ce qui pourrait représenter des économies importantes.
  • Pour les laboratoires pharmaceutiques : Le passage en OTC ouvre de nouvelles perspectives commerciales, élargissant l’audience potentielle de certains produits. Les laboratoires peuvent ainsi compenser les pertes engendrées par le déremboursement de certains médicaments, avec des campagnes marketing stratégiques, ils peuvent transformer ces produits de santé en succès commerciaux.

Le processus de passage d’un médicament en vente libre : un parcours encadré

Pour qu’un médicament soit requalifié en vente libre, il doit passer par un processus de validation. Les laboratoires doivent fournir des preuves de sécurité et d’efficacité pour l’automédication, ainsi que démontrer que les patients sont capables de comprendre les informations sur l’emballage et d’utiliser le médicament de manière autonome.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé examinent plusieurs critères clés :

  • La sécurité : Le médicament doit présenter un risque minimal pour une utilisation autonome.
  • L’efficacité : Le médicament doit être efficace pour des affections que le patient peut facilement identifier par lui-même.
  • Le rapport bénéfice/risque : Il doit être favorable en considérant les risques de mauvais usage en l’absence de prescription.

L’appel des laboratoires pharmaceutique pour un accès élargi aux OTC en France

Les laboratoires pharmaceutiques plaident pour une plus grande liberté dans la vente de médicaments OTC. Alors qu’environ 23 % des maux quotidiens sont traités par automédication en France, ce chiffre monte à 27 % au Royaume-Uni et à 47 % en Allemagne. Face à cette différence, les industriels de santé estiment qu’un élargissement de l’automédication permettrait non seulement de répondre à une demande croissante mais aussi de réaliser des économies pour le système de santé.

Les laboratoires pharmaceutiques demandent de passer leurs médicaments du statut de prescription à la vente libre (ou OTC, « over-the-counter ») pour plusieurs raisons stratégiques et commerciales :

  1. Augmentation des ventes : Passer un médicament en vente libre permet de le rendre plus accessible, augmentant ainsi son potentiel de vente. Sans nécessité de prescription, le médicament peut être acheté directement par les consommateurs, élargissant le marché potentiel.
  2. Réduction des coûts liés aux consultations médicales : En rendant le médicament disponible sans ordonnance, les laboratoires répondent à une demande de commodité des consommateurs, qui évitent de consulter un médecin uniquement pour obtenir une prescription, notamment pour des affections bénignes.
  3. Optimisation de la chaîne de distribution : La vente libre permet d’étendre la distribution du médicament à de nombreux points de vente (pharmacies, parfois parapharmacies), augmentant ainsi la visibilité et les points de contact avec les consommateurs.
  4. Pression concurrentielle : Dans un marché où des médicaments similaires peuvent être déjà disponibles en vente libre, un laboratoire peut décider de changer de statut pour suivre la concurrence et conserver sa part de marché.
  5. Sensibilisation et éducation : En étant en vente libre, le médicament peut faire l’objet de campagnes de publicité directe au consommateur, sous réserve de régulations, ce qui permet de sensibiliser le public et d’éduquer les consommateurs sur son usage.
  6. Allègement des coûts réglementaires : Un médicament en vente libre est souvent soumis à une réglementation plus souple que les médicaments sur ordonnance, ce qui peut réduire les coûts réglementaires et administratifs pour le laboratoire.
  7. Extension de la durée de vie commerciale : Lorsqu’un médicament arrive en fin de brevet ou face à l’émergence de génériques, le passage en vente libre peut offrir une nouvelle phase de croissance.

Ce choix stratégique doit cependant être validé par les autorités sanitaires (en France, par l’ANSM), qui évaluent la sécurité du médicament pour un usage autonome sans supervision médicale.

Luc Besançon, délégué général de NèreS, fédération représentant les industriels de premier recours, souligne que « l’automédication est un atout non seulement pour les patients mais également pour le système de santé. » Dans un contexte où les médecins sont surchargés, le recours à l’automédication pour des affections bénignes semble de plus en plus incontournable.

Des exemples de transitions réussies de prescription à vente libre

Les laboratoires pharmaceutiques adaptent leur stratégie face à l’évolution des habitudes de consommation. Certains médicaments, autrefois disponibles uniquement sur ordonnance, ont réussi à conquérir le marché OTC en se réinventant :

  • Des transition réussie : Plusieurs produits contre les maux de tête ou les allergies saisonnières ont bénéficié d’une forte demande, renforcée par des campagnes éducatives pour expliquer leur usage sécuritaire.
  • Une daptation face au déremboursement : Pour des médicaments déremboursés, passer en vente libre devient une manière de conserver une part de marché en misant sur le choix des patients et en rendant ces produits plus accessibles.

Les précautions à prendre avec l’élargissement de l’OTC

L’extension de l’automédication pose néanmoins des problèmes. La sécurité reste la priorité et un usage responsable des produits de santé OTC est essentiel. L’encadrement par les pharmaciens, notamment pour les produits BTC (behind-the-counter), assure un équilibre entre accessibilité et prévention des abus.

Un autre enjeu réside dans la communication auprès des consommateurs et patients. Les campagnes marketing doit-être éducative pour prévenir les risques et favoriser la compréhension de la pathologie. Les laboratoires pharmaceutiques investissent dans la clarté des packagings et dans la formation des pharmaciens pour offrir un accompagnement optimal aux patients.

 

Quelle stratégie marketing favoriser la vente d’un médicament en libre service?

L »ensemble des acteurs de santé gravitent autour de la pharmacie, médecins, pharmaciens, patients, il est donc important de déployer une stratégie qui intègrent l’ensemble des acteurs et des points de contacts pour permettre un bon sell’in en pharmacie et favoriser le sell’out.

La stratégie omnicanale  semble porter ses fruits avec des actions et des moyens par profil, par besoins et points de contacts.

  • Le médecin prend une place consultative, de « coach » dans la décision de son patient, il est donc important de continuer à le sensibiliser à le nourrir en terme d’informations.
  • Le pharmacien a un rôle de conseil, il est bien souvent le premier point de contact avec une patientèle de proximité. Ses connaissances, son aptitude à analyser la pathologie, ses recommandations, son business doivent-être facilités pour gagner en valeur.  Un marketing officinal est nécessaire pour former les équipes en pharmacie et renforcer les conseils aux patients.
  • Le « health shopper », un consommateur que l’on doit informer avec des campagnes éducatives pour encourager un usage responsable, que nous associerons à du branding et du contenu engageant, comme des vidéos explicatives, newsletters, webinaires et de la publicité .

 

Le passage d’un médicament de prescription à la vente libre peut être une stratégie gagnante pour les laboratoires pharmaceutiques. Cette tendance, en plein essor en France, nécessite toutefois un accompagnement à la fois des consommateurs pour garantir un bon usage mais aussi des services marketing des laboratoires pour leur permettre de déployer, vérifier, tester leur stratégie auprès des pharmaciens et des patients.

Com&Health accompagne les laboratoires pharmaceutiques dans leur stratégie marketing et communication santé en y associant les pharmaciens et les patients pour une garantir un lancement en pharmacie.

Jean-Luc Perrod, contact